vendredi 29 décembre 2023
Fin de vie (France Inter, Les mots de l'année)
La fin de vie est la formule qui a été retenue pour le projet de loi du gouvernement, la plus neutre possible, la moins sujette à controverse. Tout le monde est d'accord pour dire que la mort, c'est la fin de l'histoire. Donc jusque là, tout va bien.
En fait, si l'expression est générique, c'est aussi qu'elle couvre des questions diverses, dont celle ci sensible, dite de l'aide à mourir, incluant le sujet brûlant de l'euthanasie, principe introduit dans la version provisoire du projet de loi publié mi décembre 2023.
Sans doute qu'euthanasie, malgré son sens originel du grec, la bonne mort a été jugée trop repoussoir. De même, et là, on est moins surpris que l'expression de suicide assisté est elle aussi censurée. Suicide qui a été formé au XVIIIᵉ siècle sur le modèle des homicides. C'est moi qu'on assassine. Pierre Desproges, lui, dans sa Minute nécessaire de Monsieur Cyclopède, avait proposé le sigle IVV, L'interruption volontaire de vieillesse.
Tu ou toi (France Inter, Les mots de l'année)
Dans beaucoup d'entreprises, le tutoiement est une technique manageriale. Mais comme toute pratique linguistique imposée, elle peut être mal vécue.
Les révolutionnaires, en 1793, avaient essayé avec leur décret sur le tutoiement obligatoire au prétexte que le vous colportait "des vieilles traces de distinction et de féodalité". Mais ça n'avait pas marché. En France, on aime le code, les marqueurs sociaux de prestige. Vous, c'est le pronom de la distinction au sens de Bourdieu, que Louis de Funès réclame à sa femme dans Le Tatoué.
En français de France, mais pas du Canada, par exemple. L'Emploi de Tu es encore très marqué, plus aussi qu'en Italie ou en Espagne. On se tutoie facilement sans se connaître en anglais. Ils n'ont plus que le You depuis environ le XVIIIᵉ siècle. You pronom historique du pluriel. C'est la neutralité qui l'a emporté. Mais chez nous, on découvre avec stupeur au collège qu'il faut dire Vous, au prof qu'on respecte, Tu enregistre la proximité, soit celle du mépris, quand on s'énerve au volant. Celle aussi plus douce de l'intimité. Ainsi, le chevalier d'Ancenis écrit à madame de Merteuil dans Les Liaisons dangereuses Vous qui avez commencé mon bonheur au toi qu'il a comblé entre le vous et le toi, il y a eu le sexe.
Enracaillement (France Inter, Les mots de l'année)
L'ensauvagement touche beaucoup de gens. Et la décivilisation, elle touche toute la société. Fin 2023, on a eu droit, à l'occasion du drame de Crépol, notamment, à tout un tas de formules de ce genre. Une formule, c'est quoi? C'est un ou plusieurs mots qu'on se met à interpréter, toujours dans le même sens et qui marchent comme un signal de reconnaissance. Formule qui ont bien circulé au moment où la loi sur l'immigration était votée et qui désigne ici sans le dire, c'est là leur pouvoir et leur toxicité, les coupables de tous nos maux, les immigrés, mais sans arguments, juste en faisant peur.
Laisser un vu (France Inter, Les mots de l'année)
Vu c'est le statut du message lu auquel on ne daigne pas répondre sur Instagra, WhatsApp, Tinder. Remis sur Snapchat, c'est encore pire parce qu'on n'a pas daigné cliquer pour lire le message. C'est le degré ultime de l'humiliation. C'est la porte qu'on vous claque au nez. Et donc, il y a des degrés divers dans le râteau digital, degré qui se mesure aussi au temps pénible qui s'écoule, pendant lequel l'autre ne vous répond pas. On dit 'j'y crois pas le même bien remis de 8 h ou de deux jours ou d'une semaine'. Et là, souvent, on laisse tomber l'histoire d'amour ou l'histoire d'amitié n'aura pas, n'aura plus lieu.
Laisser ou lâcher un vu ? C'est une différence d'expressivité. Lâcher transmet mieux les émotions négatives. Déception, colère, stupéfaction de la victime du vu. Souvent, il y a un adjectif. Il m'a lâché un gros, un énorme vu. On peut ajouter dans la face. Ça fait mal, ça fait très mal. Et d'ailleurs, lâcher connote en français une forme de brutalité. On lâche quelque chose qui choque, d'incongru, inconvenant comme un pet, bien sûr, mais aussi comme un rire ou comme des gaillardises dans Un cœur simple de Flaubert.
Et en face, du point de vue de l'humilié, on a les verbes prendre, manger. Les verbes distribuent ce qu'on appelle des rôles sémantiques. Ils projettent des scénarios différents sur les réalités.
Olympique (France Inter, Les mots de l'année)
Olympe, qui donne son nom au site Olympie, dans le Péloponnèse, où, tous les quatre ans déjà à l'Antiquité, se déroulent les Jeux désormais olympiques, avec un adjectif toponymique dérivé du nom de lieu. Non loin trône l'autel de Zeus, dieu olympien. L'intervalle de temps entre deux jeux s'appelait d'ailleurs les Olympiades et servait aux historiens grecs pour dater les événements. Olympiade qu'on retrouve aujourd'hui comme synonyme de compétition, parfois même non sportive.
Bref, est ce à cause de cette origine sacrée qu'olympique à capitaliser en français ce culte de l'idéal ? En tout cas, on le retrouve connoté dans l'expression forme olympique, synonyme de santé glorieuse. Le mot forme est important. Il a sans doute été retenu parce que nos sociétés sacralisent la silhouette, l'apparence, la façon dont le corps se détache et sert de modèle.
jeudi 28 décembre 2023
Fatigue informationnelle (France Inter, Les mots de l'année)
Pour ceux qui terminent l'année au bout du scotch, vous souffrez peut être de cette étrange maladie dont on a beaucop parlé cette année. Et vous allez découvrir que l'expression n'est pas nouvelle
2023 a été une année très fatigante. Même si dans l'expression informationnelle ne qualifie pas la fatigue comme grosse, énorme, insupportable le ferait, c'est un adjectif dit relationnel qui dérive du non information.
L'expression n'est pas nouvelle. Elle avait été élue en 2012, mot de l'année par l'Oxford English Dictionnary. Mais son besoin s'est fait ressentir chez nous cette année, avec plus d'un Français sur deux, d'après la Fondation Jean-Jaurès, qui dirait en souffrir.
ChatGPT (France Inter, Les mots de l'année)
Nous avons appris à prononcer cette année ChatGPT, cet instrument conversationnel devenu emblématique des avancées fulgurantes de l'intelligence artificielle.
C'est ce qu'on appelle un mot opaque quand on ne sait pas trop comment le dire à l'oral.
ChatGPT est le mot le plus recherché sur Wikipédia anglais en 2023. Tout ça parce qu'un type, dans ce moment de puissance absolue où on choisit le nom du futur bébé, ici du futur robot conversationnel, a eu cet éclair de génie : "Tu t'appelleras ChatGPT, et tu feras trembler le monde entier."
Julie Neveux a donc demandé à ChatGPT lui-même d'expliquer son nom: "Ce nom peut sembler mystérieux pour certains, mais il incarne la quintessence de l'avancée technologique dans le domaine de l'intelligence artificielle."
Quoicoubeh (France Inter, Les mots de l'année)
C'est un des mots incontournables de 2023, du moins pour tous les heureux parents d'enfants entre cinq et quinze ans qui se sont mis, l'espace de trois mois, entre janvier et mars environ, à se passer le mot inventé par un tiktokeur.
Ce tiktokeur du nom de La vache, dont les vidéos sont devenues virales, a inventé ce mot, sans doute à partir de l'expression Kouakou en baoulé, une langue ivoirienne.
Le problème et l'intérêt, c'est que ça ne veut rien dire. Enfin, sur le plan de l'apport informationnel de l'énoncé, parce que du point de vue de l'attitude, ça veut dire beaucoup. L'idée de quoicoubeh, c'est de créer le besoin de dialogue dans l'autre, qu'on contraint à poser une question, question qui consiste typiquement à rechercher une information manquante. Chaque type de phrase correspond en fait à un type d'interaction. Les mots nous servent à agir. C'est ce que la linguistique dite pragmatique étudie depuis le livre de John Austin Quand dire, c'est faire?
Hors-sol (France Inter, Les mots de l'année)
"Hors-sol" est devenue notre expression préférée pour décrire un comportement ou un propos perçus comme dénués de rapport avec notre quotidien. Avant, on disait déconnecté de la, ou de nos réalités. Sur X, je lis "ces gens sont hors-sol, ils ne sont même plus sur cette planète".
Dans le même genre de lexique cosmique, en ce moment, on aime bien aussi lunaire. Mais lunaire qualifie plutôt une situation et n'a pas de charge politique, là où "hors-sol" typiquement critique les gouvernants et permet d'exprimer notre colère parce que c'est une métaphore qui partage une expérience d'ordre sentimental, celle du mépris dont on est la victime.
Déconstruit (France Inter, Les mots de l'année)
vendredi 22 décembre 2023
jeudi 21 décembre 2023
Lexique du Petit Prince (wordwall)
Si vous avez lu Le petit prince, cet exercice n'aura pas de secrets pour vous...
Le vocabulaire de Noël (Wordwall)
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mercredi 20 décembre 2023
mercredi 13 décembre 2023
mardi 5 décembre 2023
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